LE CUT-UP COMME UNE TRACE

Retour, réflexion, verbalisation autour d’ateliers d’écriture sur le cut-up…

Les ateliers présentés au congrès des psychologues scolaires en juin 2022, sont basés sur la technique du CUT-UP, technique inventée par William Burroughs (écrivain) et Brion Gysin (peintre) en découpant accidentellement des pages de journaux. Ils se sont aperçus que deux fragments de texte réagencés pouvaient constituer un message cohérent.

Le Cut-up est une technique d’écriture qui permet de désacraliser l’écriture et évite les blocages liés à la page blanche. Cette technique se sert de gestes comme prélever, découper, déplacer, écarter, réagencer, recomposer. Elle est utilisable avec toute personne sachant lire.

Écrire est le moyen de dire, se dire, se révéler et croire en soi.

Les phrases écrites en italique sont les paroles et écrits de participants des ateliers lors du congrès.

S’approprier des outils.

Les mots comme de simples matériaux, des pièces de puzzle qu’on peut combiner selon notre fantaisie, ou en laissant jouer le hasard, quand on visualise quelque chose on n’a pas toujours, et les enfants n’ont pas toujours, les mots qui vont avec. On peut s’emparer de cette matière première, avec ces outils, on peut rentrer dans l’apprentissage de l’écrit, se l’approprier. Ainsi il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, c’est ton ressenti, ta production. Rien que de dire ça, ça permet de lâcher prise. Un jeu où personne n’est invité à se prendre au sérieux : on a envie de faire des blagues, un animal qui mange un instituteur effrayant et vit dans une école sacrée !

Entrer dans le jeu, faire face, transgresser.

Avec une consigne absurde il peut être un peu déroutant d’y trouver un sens là où il n’y en a pas. Après, on se dit que ce n’est pas grave, que c’est un jeu. Il faut accepter l’idée de dépasser certaines appréhensions. Les mots sont là, en soutien et en repère : c’est ça qui est bien : que vous donniez des mots, nous dit-on. Il se déplace maussade en salivant (extrait de production), il y a des degrés de liberté qu’on va pouvoir atteindre en suivant la consigne, des coups où ça a pu laisser libre court à l’imaginaire. Il se déplace en jouant, sans gêne, à chat à moustache (extrait de production).

Désacraliser, Imaginer, Être fier de sa production.

Ça désacralise un peu la production d’écrit et ça laisse un accès à tout le monde. Avoir des mots, les agencer « comme ça vient », on est plus sur un pied d’égalité avec l’atelier. Ce qui est intéressant c’est de rendre accessible à des enfants qui ne se sentent pas capables de…, de faire quelque chose et après d’en être fier.

Alternative pour contrer les difficultés.

Faciliter le rapport à l’écrit, les enfants ne se lâchent pas au départ mais après, on a des compétences et ils jouent avec les mots alors que d’habitude ils sont toujours en difficulté pour mettre des mots. L’écrit est quelque chose de tellement compliqué pour certains, alors que là ils sauraient s’approprier le jeu.

S’exprimer autrement, On peut avoir des révélations de ce que les enfants peuvent vivre comme souffrance non dite. Donc c’est c’est le détour qui est intéressant.

S’approprier des mots fournis, Là où ils sont un peu bloqués, c’est sur le fait d’avoir à remplir une feuille, passer par le Cut up peut être une belle alternative pour contourner les difficultés. J‘étais si triste dans cet endroit assaisonné, il m’a saisie et mes sens titillés, perdant confiance, je suis devenue si maladroite, surprise par tant de gris, je me suis retrouvée dans une boite (Extrait de production).

Apprendre à prendre du plaisir dans l’écriture.

Retrouver le jeu et le plaisir, amener les enfants à apprendre plaisir avec cette symbolique de pouvoir coller décoller. je me suis amusé à prendre des morceaux de papier, à les retourner, à changer un mot parce que j’aimais pas mes ratures. Petite fille artiste entêtée, t’es têtue, tu t’entêtes et t’as tord (extrait de production). Je pense que ça peut convenir aux enfants.

Création d’un moment de partage.

Dans l’échange et le partage de soi, et puis je pense qu’on a mis quelque chose de nous là. Donc dès qu’on écrit, on y met forcément du soi, même si c’est un texte très imaginaire. Ce qui est intéressant, c’est le partage. Ce soir là, à la lueur des lumières scintillantes, je m’avançais confiant vers l’assemblée (extrait de production).

Se déplacer.

L’écriture nous donne les clefs d’un mouvement. D’un accès au déplacement. Se relire, donner au temps la possibilité de différer la lecture de ce qui a été écrit, Ah oui on a écrit ça. On s’aperçoit qu’on a déjà bougé, on s’étonne de la distance entre nos propres affects et ce qu’on en fait, ce qu’on en dit.

L’écriture et le Cut-up s’appuient sur le langage, le visuel et le moteur pour se saisir du mouvement qui opère, d’une mise en abîme, comme être sur son petit balcon pour voir ça.

smart

La perception de l’autre.

La notion de partage est quelque chose au quotidien qu’on oublie dans notre pratique. Le partage d’image, de sensation, d’écho apporte le lien, le lien tendu, la perception de l’autre. Attraper des éléments de l’autre sans que cela soit… Comme un inconscient collectif.

La perception de l’autre passe par le partage de l’émotion, j’ai découvert ma copine autrement. L’effet de vérité nous connecte dans un environnement bienveillant et protecteur.

Le saisissement de soi.

« La force qui est en dessous »1 se révèle à soi à travers sa créativité. Le lâcher-prise permis par le Cut-up autorise la parole, se dire. Une projection.

C’était comme prendre soin de moi. Ne pas avoir peur, s’accorder des mots, des émotions, les entendre, s’approprier son intérieur et devenir auteur de soi. La liberté de la raison, les points de suspension… (extrait de production).

Écrire c’est s’auteuriser.

Le Cut-up est un outil de l’atelier d’écriture qui installe les bases de l’atelier : sécurité, bienveillance et don.

Il permet la désacralisation de l’écrit et de ses peurs installées, en passant par le jeu, le plaisir. Il contourne les difficultés, offre une alternative, une voie.

Utilisable à partir de 7 ans l’atelier fédère le groupe (classe, équipe professionnelle), apporte l’écoute de l’autre, autrement.

On se découvre, redécouvre par l’émotion ressentie, traversée, donnée.

1Le Théâtre et son double Antonin Artaud – Gallimard 1938 – 130 pages

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s