De la moelle des os, recherche en écriture….

En recherche d’identité, j’ai plongé mes mots dans l’écriture de soi, comme une évidence.

Cette écriture s’est inventée autour du Je, créant son propre espace, comme une 4ème personne du singulier. Une personne que je ne soupçonne pas et qui m’éclaircit sur mon identité.

Je n’ai pas choisi d’écrire ce que j’écris, j’obéis à une exigence dont je ne peux me libérer. Je suis l’auteur de ma propre révélation. Un paradoxe entre la mémoire, le retour au passé et l’écriture tendue vers l’avenir, qui fait de mon écriture un dedans/dehors.

J’ai besoin de retrouver ce Je dans un présent encore incertain, qui avance et s’affirme dans un impératif: le devant soi.

Je deviens un passant au bord du fleuve qui observe. D’où ça me vient d’écrire? Du Je.. Je est alors un autre… Je suis à sa recherche.

Je tends à devenir la matière de l’écrit, un moi métamorphosé, abstrait de lui-même, un intime universel, celui du commun des mortels. Lorsque j’écris, je prends un pacte avec le lecteur, c’est de lui raconter mon/son histoire dans la sincérité de mes/ses émotions.

Et je parle de moi et je parle de lui.

Ce je/autre/lui, cet auteur.

Dans ce projet d’expression de l’intime, je cherche l’insu et l’insoupçonné pour prendre langue. Depuis l’opaque, le non-savoir, l’indicible, j’accepte de ne pas savoir ce que j’écris. Roland Barthes m’amène sur ma propre interrogation « sait-on ce que c’est qu’écrire? une ancienne et très vague mais jalouse pratique (…) Il y a donc une tâche à accomplir dont on ne sait exactement ce qu’elle est, dont on suppose cependant quelle est fondamentale de l’Homme- et de l’homme qui travaille à se faire humain« 

On n’écrit jamais à partir de rien.

Lorsque j’écris du côté de l’intime, Est-ce que je dis quelque chose de moi? De quelle nature? Est-ce qu’en écrivant je ne construis pas un objet inédit, ma propre rhétorique? Quel est-il cet objet qui vient de moi mais qui ne dit pas Je, mais qui n’est pas moi? C’est ce que je découvre à chaque mot écrit sur la feuille blanche… Une autre part inconsciente de l’homme, une vérité extratextuelle, un tissage du Je et du Monde, un « espace du dedans » cher à Henri Michaux: l’intime.

Intimus: superlatif d’interior (intérieur)

L’intime est ce qu’il y a de plus profondément intérieur, l’arrière-fond, la moelle des os, les recoins et les replis.

« J’écris pour me parcourir » disait Henri Michaux et Roland Barthes « C’est de la cime de mon particulier que je suis le plus scientifique sans le savoir » Alors je cherche cette voix intérieure, intime, comme un scientifique qui n’a pas encore dit ce qu’il est impossible de dire…

Je suis née dans une région qui n’existe plus… Et l’exil a transformé ma parole en errance.

Atiq Rahimi: « J’étais déjà ailleurs. Sans patrie, sans terre. En exil, dans l’écriture« … Aujourd’hui je ne peux plus séparer mon écriture de cette identité perdue, de cet exil. Et je travaille, je cherche dans la parole, les écrits d’autres, ceux qui ont aussi connu l’exil, mes propres racines, mes inscriptions originelles, les cicatrices dans mon corps. Je cherche à (re)trouver ma voix, celle qui résonne dans l’écho, au loin… Et dans la langue, dans le bruissement de la langue, je veux sentir sous mes pieds le sol natal, mes ancêtres, mon nom…

Paule BRAJKOVIC

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