« L’entame », atelier du haïku à travers le cut-up

Le Territoire de la Marge vous propose:

Le samedi 18 mars de 10H à 12H (pour adolescents et adultes)

Le samedi 25 mars de 14H30 à 16H (pour enfants 8/12 ans)

Un atelier d’écriture: initiation à la technique du Haïku à travers le cut-up!

à L’Idéethèque, Les Pennes-Mirabeau.

Renseignements et inscription sur le site de l’Idéethèque ( lien ci-dessous):

https://ideetheque.fr/index.php/agenda/215-18mars-haiku (atelier adulte)

https://ideetheque.fr/index.php/agenda/216-25mars-haiku (atelier enfant)

En lien avec cet atelier vous avez la possibilité de créer votre carnet relié. Voir les informations sur le lien ci-dessous:

https://ideetheque.fr/index.php/agenda/213-11mars-reliure (reliure adulte)

https://ideetheque.fr/index.php/agenda/212-15mars-reliure (reliure enfant)

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Atelier d’initiation au haïku

Atelier d’initiation au haïku avec Paule Brajkovic, auteure, formatrice en atelier d’écriture.
Thème : les senteurs.

Réalisation d’une boîte à poèmes qui accompagnera un coffret à odeurs. Ce jeu sera ensuite mis à disposition des usagers dans la bibliothèque.

Tout public

Samedi 7 janvier 2023, de 14h30 à 16h30, salle ID 5 (2e étage)
Gratuit sur inscription par mail bibliresa@vlpm.com ou par téléphone au 04 91 67 17 83

LE CUT-UP COMME UNE TRACE

Retour, réflexion, verbalisation autour d’ateliers d’écriture sur le cut-up…

Les ateliers présentés au congrès des psychologues scolaires en juin 2022, sont basés sur la technique du CUT-UP, technique inventée par William Burroughs (écrivain) et Brion Gysin (peintre) en découpant accidentellement des pages de journaux. Ils se sont aperçus que deux fragments de texte réagencés pouvaient constituer un message cohérent.

Le Cut-up est une technique d’écriture qui permet de désacraliser l’écriture et évite les blocages liés à la page blanche. Cette technique se sert de gestes comme prélever, découper, déplacer, écarter, réagencer, recomposer. Elle est utilisable avec toute personne sachant lire.

Écrire est le moyen de dire, se dire, se révéler et croire en soi.

Les phrases écrites en italique sont les paroles et écrits de participants des ateliers lors du congrès.

S’approprier des outils.

Les mots comme de simples matériaux, des pièces de puzzle qu’on peut combiner selon notre fantaisie, ou en laissant jouer le hasard, quand on visualise quelque chose on n’a pas toujours, et les enfants n’ont pas toujours, les mots qui vont avec. On peut s’emparer de cette matière première, avec ces outils, on peut rentrer dans l’apprentissage de l’écrit, se l’approprier. Ainsi il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, c’est ton ressenti, ta production. Rien que de dire ça, ça permet de lâcher prise. Un jeu où personne n’est invité à se prendre au sérieux : on a envie de faire des blagues, un animal qui mange un instituteur effrayant et vit dans une école sacrée !

Entrer dans le jeu, faire face, transgresser.

Avec une consigne absurde il peut être un peu déroutant d’y trouver un sens là où il n’y en a pas. Après, on se dit que ce n’est pas grave, que c’est un jeu. Il faut accepter l’idée de dépasser certaines appréhensions. Les mots sont là, en soutien et en repère : c’est ça qui est bien : que vous donniez des mots, nous dit-on. Il se déplace maussade en salivant (extrait de production), il y a des degrés de liberté qu’on va pouvoir atteindre en suivant la consigne, des coups où ça a pu laisser libre court à l’imaginaire. Il se déplace en jouant, sans gêne, à chat à moustache (extrait de production).

Désacraliser, Imaginer, Être fier de sa production.

Ça désacralise un peu la production d’écrit et ça laisse un accès à tout le monde. Avoir des mots, les agencer « comme ça vient », on est plus sur un pied d’égalité avec l’atelier. Ce qui est intéressant c’est de rendre accessible à des enfants qui ne se sentent pas capables de…, de faire quelque chose et après d’en être fier.

Alternative pour contrer les difficultés.

Faciliter le rapport à l’écrit, les enfants ne se lâchent pas au départ mais après, on a des compétences et ils jouent avec les mots alors que d’habitude ils sont toujours en difficulté pour mettre des mots. L’écrit est quelque chose de tellement compliqué pour certains, alors que là ils sauraient s’approprier le jeu.

S’exprimer autrement, On peut avoir des révélations de ce que les enfants peuvent vivre comme souffrance non dite. Donc c’est c’est le détour qui est intéressant.

S’approprier des mots fournis, Là où ils sont un peu bloqués, c’est sur le fait d’avoir à remplir une feuille, passer par le Cut up peut être une belle alternative pour contourner les difficultés. J‘étais si triste dans cet endroit assaisonné, il m’a saisie et mes sens titillés, perdant confiance, je suis devenue si maladroite, surprise par tant de gris, je me suis retrouvée dans une boite (Extrait de production).

Apprendre à prendre du plaisir dans l’écriture.

Retrouver le jeu et le plaisir, amener les enfants à apprendre plaisir avec cette symbolique de pouvoir coller décoller. je me suis amusé à prendre des morceaux de papier, à les retourner, à changer un mot parce que j’aimais pas mes ratures. Petite fille artiste entêtée, t’es têtue, tu t’entêtes et t’as tord (extrait de production). Je pense que ça peut convenir aux enfants.

Création d’un moment de partage.

Dans l’échange et le partage de soi, et puis je pense qu’on a mis quelque chose de nous là. Donc dès qu’on écrit, on y met forcément du soi, même si c’est un texte très imaginaire. Ce qui est intéressant, c’est le partage. Ce soir là, à la lueur des lumières scintillantes, je m’avançais confiant vers l’assemblée (extrait de production).

Se déplacer.

L’écriture nous donne les clefs d’un mouvement. D’un accès au déplacement. Se relire, donner au temps la possibilité de différer la lecture de ce qui a été écrit, Ah oui on a écrit ça. On s’aperçoit qu’on a déjà bougé, on s’étonne de la distance entre nos propres affects et ce qu’on en fait, ce qu’on en dit.

L’écriture et le Cut-up s’appuient sur le langage, le visuel et le moteur pour se saisir du mouvement qui opère, d’une mise en abîme, comme être sur son petit balcon pour voir ça.

smart

La perception de l’autre.

La notion de partage est quelque chose au quotidien qu’on oublie dans notre pratique. Le partage d’image, de sensation, d’écho apporte le lien, le lien tendu, la perception de l’autre. Attraper des éléments de l’autre sans que cela soit… Comme un inconscient collectif.

La perception de l’autre passe par le partage de l’émotion, j’ai découvert ma copine autrement. L’effet de vérité nous connecte dans un environnement bienveillant et protecteur.

Le saisissement de soi.

« La force qui est en dessous »1 se révèle à soi à travers sa créativité. Le lâcher-prise permis par le Cut-up autorise la parole, se dire. Une projection.

C’était comme prendre soin de moi. Ne pas avoir peur, s’accorder des mots, des émotions, les entendre, s’approprier son intérieur et devenir auteur de soi. La liberté de la raison, les points de suspension… (extrait de production).

Écrire c’est s’auteuriser.

Le Cut-up est un outil de l’atelier d’écriture qui installe les bases de l’atelier : sécurité, bienveillance et don.

Il permet la désacralisation de l’écrit et de ses peurs installées, en passant par le jeu, le plaisir. Il contourne les difficultés, offre une alternative, une voie.

Utilisable à partir de 7 ans l’atelier fédère le groupe (classe, équipe professionnelle), apporte l’écoute de l’autre, autrement.

On se découvre, redécouvre par l’émotion ressentie, traversée, donnée.

1Le Théâtre et son double Antonin Artaud – Gallimard 1938 – 130 pages

AU DELÀ D’UN JOUR, UN HAÏKU

Ateliers d’écriture

Classes de quatrième

Collège Les Eucalyptus

Ollioules

Mars 2022

Soudain la fragilité de nos existences.

Un moment fugace, un moment d’urgence,

Sauter une falaise à soi, dans la confiance,

Ici et maintenant.

Un coquelicot quelques jours,

Une coccinelle passagère,

Imago magique

D’une kermesse éphémère.

Passage d’un poème d’hiver,

Au printemps.

Au delà d’un jour,

Le Haïku.

Dans le cadre de l’événement culturel Le printemps des poètes 2022, le collège Les Eucalyptus a proposé à une classe de quatrième de participer à la manifestation Sous le thème de l’Éphémère.

L’éphémère est ce fragile instant qui ne vit qu’un jour. Jour de joie, jour de vie, jour de partage.

Le haïku, poème court, apporte ce momentanée qui peut, au delà d’un jour crée le souvenir de nos existences.

A la kermesse de l’Éphémère se sont invités les papillons, les coccinelles, les ballons de baudruche, les coquelicots, la magie, le micro pour porter en voix les haïku et le saut de l’ange au cœur du poème.
Chacune, chacun a pu s’exprimer sur les murs du collège.
Et puis les haïku et les papillons se sont envolés de l’arbre à poème dans le silence de la nuit.

Une semaine sensible entre enthousiasme et écriture où le partage a envahi le collège comme si on vivait ensemble, comme si l’engagement de chacun, adolescents et adultes, donnait aux mots leurs pouvoirs…

MERCI A TOUS.

Mémoires veines … Lecture à plusieurs voix

Par 8 comédien.ne.s adultes des Ateliers Théâtre MINOTAURE et l’auteure, Paule Brajkovic

Dédicace

Échanges autour du texte avec l’auteure et les lecteurs

 » Mémoires veines c’est la chronique d’un eldorado vers lequel se tournent les parents d’Isabel, lointaine aïeule de l’auteure, dans l’espoir de laisser derrière eux leur extrême pauvreté. Le récit s’ouvre sous la plume d’Édouard, personnage fictif dont la destinée imaginaire côtoie celle bien réelle des ancêtres de l’auteure. La correspondance entre Édouard, en partance vers l’Algérie au tout début de la colonisation, et sa mère restée en France métropolitaine campe ainsi le début d’une trame historique, toile de fond des premiers temps de l’épopée ordinaire vécue par Isabel et ses descendants. L’histoire de la longue et nombreuse descendance d »un couple d’amoureux fous.

Jusqu’aux tragiques événements de l’été 1962″

Vincent Daumail, éditeur

https://bit.ly/3bNiJKM

Samedi 26 mars

15H00

DURÉE approx. 1H

THÉÂTRE MINOTAURE & Cie

285, Avenue du Plan de Campagne

13170 Les Pennes-Mirabeau

RÉSERVATIONS OUVERTES

06 20 89 34 18

Entrée libre et gratuite sur réservation (indispensable)

Association des Amis de Pontigny-Cerisy- Reconnue d’utilité publique –

Logo

  Lettre d’information / novembre – décembre 2021
Pourquoi un écrivain envisagerait-il une résidence de création à Cerisy ?   Le portail blanc sera ouvert comme une proposition bienveillante, vous venez d’arriver au Centre culturel international de Cerisy. Le château et son domaine dessineront sur votre visage un sourire. Celui de la certitude d’être au bon endroit.  
Oubliez les questions d’intendance et de logistique. La cloche de Cerisy vous invitera trois fois par jour aux repas, faits maison, préparés avec des produits de qualité. Au bureau vous trouverez du personnel à l’écoute qui apportera toujours une réponse à vos interrogations. Vous serez chaque jour informé des propositions que Cerisy peut vous offrir : intitulés des conférences auxquelles vous pouvez assister, sorties culturelles régionales, visites guidées du domaine, sujets et thèmes des soirées de partage.
  Concentrez-vous sur vos objectifs. La bibliothèque de Cerisy contenant des milliers de livres sera à votre disposition. Demandez conseil à Jean-Christophe Tournière.  
 
  Vous chercherez les meilleures conditions pour écrire. Peut-être dans votre chambre où un bureau vous attend ou si vous avez besoin d’espace, de nature pour l’inspiration, il y a la terrasse nord sous la tente, le potager au milieu des fleurs, l’autre terrasse regardant à l’horizon ou les tables de jardin derrière la Laiterie face au vallon. Vous aurez aussi la possibilité de travailler dans les salons du château ou les espaces communs des autres bâtiments (Orangerie, Laiterie, Estaminet). Chaque lieu est propice à la concentration et à la prospective intérieure.  
Le foyer de création sera aussi un foyer de partage. Pendant les repas communs ou avec la douceur de la nuit, viendra le moment des échanges, une parole, une écoute pour nourrir votre esprit, une rencontre humaine pour ouvrir d’autres portes. Et si le cœur vous en dit, un espace détente à faire vivre, musique, ping-pong, rire et partage d’un verre dans les caves voûtées du château.  
Cerisy c’est du temps à vous, dans de très bonnes conditions de travail. Du temps et un lieu où votre seule préoccupation sera d’écrire.  

C’est ce que j’ai vécu en participant au foyer deux années de suite. J’y ai mené un projet qui me tenait à cœur. La première année j’ai écrit le premier jet, totalement immergée dans mon travail, et j’ai concrétisé la deuxième année la réécriture finale qui m’a demandé concentration, isolement et conviction.

Et si j’avais encore un doute, il me suffisait de regarder les innombrables photos accrochées aux murs qui témoignent des illustres personnalités et écrivains qui ont traversé les couloirs de Cerisy avant moi. Je n’avais alors, en toute humilité, qu’à marcher dans leurs pas…  
Paule BRAJKOVIC, Écrivaine  

    Pierrette Epzstein & Jacqueline Persini
 
Adrien Chapel & Sylvie Mombo  

Mémoires Veines

En s’appuyant sur une correspondance fictive au XIXe siècle et sur le témoignage de deux oncles, l’auteure souhaite transmettre à ses lecteurs l’histoire extraordinaire de sa famille, colons pieds-noirs sans fortune ni ambitions de pouvoir. L’itinéraire de citoyens français bien éloignés de la métropole, jusqu’à cet exode déchirant de 1962 qui les jette désemparés sur un continent qui ne les attend pas, où ils ne sont pas les bienvenus…

Mémoires Veines

19,50 € TTC

Livre imprimé broché

Auteure : Paule Brajkovic

Alba Capella

Paru le 24 septembre 2021

ISBN : 978-2-492984-02-0

http://www.lacauselitteraire.fr/

La Leçon de Tango, Paule Brajkovic (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein le 09.11.21 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Cause Littéraire

La Leçon de Tango, Paule Brajkovic, éditions Au Pays Rêvé, 2020, 112 pages, 12 €

La Leçon de Tango, Paule Brajkovic (par Pierrette Epsztein)

C’est la première fois que Paule Brajkovic se lance dans le roman policier. Elle nous narre un étrange périple que nous suivons avec fébrilité pour tenter de comprendre dans quel imbroglio l’auteure va nous embarquer. Nous pénétrons dans un maquis touffu qui sert à nous désorienter pour revenir au véritable sujet de cette narration.

Tentons d’abord de mettre le lecteur dans l’ambiance qui baigne dans ce récit. Un jour à une terrasse de café, un jeune écrivain en quête désespérée de célébrité, rencontre un douteux personnage. Est-il là par hasard ou a-t-il repéré celui qui acceptera de passer avec lui un étrange contrat ? Au cours de ce premier dialogue, ils finiront par se nommer. Le premier s’appelle Livio Periscritto et se dit biographe dont le rôle consiste à se mettre dans la peau d’un autre pour en écrire la trajectoire, et celui qui l’a abordé se présente comme Moloch Horatio. Horatio est un prénom qui signifie le mystère et Moloch est ce dieu auquel les Ammonites, une ethnie cananéenne, sacrifiaient leurs premiers-nés en les jetant dans un brasier. Quant aux ammonites ce sont des mollusques fossiles à corne de bélier. Les noms ne sont pas choisis par l’auteur au hasard. Ils définissent bien les deux protagonistes et leur spécificité. Ils nous donnent un premier indice. Nous voilà déjà embarqués dans une enquête qui nous conduira ou non vers le dénouement de cette inquiétante aventure.

En tant que lecteur, nous pénétrerons au cœur d’un univers, à la source de deux caractères, de deux comportements que tout oppose. C’est justement cet antagonisme qui est le socle du lien qui va s’établir entre eux. « Horatio Moloch est un malade et je suis son jouet ».

Le contrat qu’Horatio a mis en place est draconien et non négociable. Livio, après bien des hésitations, va se plier aux conditions irrévocables dictées par Horatio. Il s’agit de l’enfermer durant trois mois dans un lieu clos en coupant toute connexion avec le monde extérieur et de se consacrer uniquement à l’écoute du récit de son commanditaire et à sa rédaction. Pour cela, il sera grassement rétribué. Comment Livio, qui est sans le sou et sans reconnaissance aucune, aurait-il pu résister à cette alléchante proposition ? Il finit donc par accepter les exigences draconiennes de celui qui devient donc son patron sans se douter dans quel imbroglio il va s’empêtrer. Et c’est justement cette conjoncture qui va le plonger dans une recherche sur l’humaine condition, sur le mystère que représente un être. De quels secrets est-il porteur ? Mais, dans cette solitude absolue, ce sera aussi l’occasion de mieux appréhender qui il est, lui-même, et quels sont ses vrais désirs.

Bien sûr, comme dans tout polar, il y a une femme, qui en souterrain, croit mener le bal. Elle s’appelle Jeanne. Jeanne est un mystère. Elle se montre et s’efface sans que l’on sache si elle est une réalité ou un simple fantasme. Elle a tous les attributs auxquels un homme comme Horatio peut aspirer. Il ne l’a pas choisie au hasard. Elle est en demande d’amour et de reconnaissance, elle est belle et désirable. Horatio va la suivre durant des jours, s’inscrire au cours de tango qu’elle anime, se montrer docile et acharné à apprendre pour réussir à la modeler à son fantasme et la plier à sa volonté. Jeanne s’y soumet sans imaginer un instant le risque qu’elle encourt. Horatio la ménage, lui apporte tout ce dont elle peut rêver : le luxe, l’amour, il la comble de bienfaits, il est prévenant et elle se laisse prendre dans sa toile d’araignée, il s’en empare pour mieux la dévorer. Elle est sûre d’avoir rencontré le prince charmant. Mais Horatio va peu à peu en faire « sa chose », son objet fétiche. C’est au cours d’un tête à tête, lors d’une fête somptueuse qu’il a méticuleusement organisée pour elle, sur la terrasse de sa maison, par une nuit de rêve, qu’il lui déclare son incontestable ardeur pour mieux l’envoûter et tranquillement, sans émoi, la faire disparaître à jamais dans une telle douceur et promptitude qu’elle ne pourra jamais réaliser ce qui lui advient.

Horatio quittera la France et sous le nom de Jeanne qu’il s’approprie, sans aucun scrupule ni état d’âme, il prolongera sa vie en devenant elle, par de subtiles transformations opérées sur son corps. Il réalise ainsi son fantasme le plus cher : vivre dans le corps d’une femme. Il ouvrira à son tour, avec succès, une école de tango. « Le tango est un art et la mort n’existe pas ». Mais ce qu’Horatio devenu Jeanne ne pouvait pas envisager. Être jaloux d’un fantôme. Et une seconde fois, il tuera un simple serveur de café qui avait tenté d’attirer le regard de Jeanne trop ostensiblement. « Son corps tombe doucement comme tombe un arbre ou un petit prince. Sans faire de bruit ».

À l’écoute du récit d’Horatio et à sa transcription fidèle au mot près, Livio ressent une certaine fascination mâtinée de répulsion pour cet homme. « J’entrais dans son esprit en trouvant quelquefois des résonnances avec mon propre esprit ». Il a l’étrange sensation de parvenir, peu à peu, à devenir l’écrivain célèbre qu’il rêvait d’être lorsqu’il verra son texte publié avec succès dans la vitrine d’une librairie alors qu’il en reste juste le témoin, un simple nègre destiné à l’anonymat.

Le roman de Paule Brajkovic a de quoi nous chavirer, nous tournebouler, nous ébranler. Pour cela l’auteure utilise toutes les ressources de son savoir littéraire, pour mieux nous égarer. Elle cite de nombreux auteurs et artistes qu’elle aime et qui nourrissent son écriture. Elle joue sur les oppositions : le présent / le passé, la présence / l’absence, le concret / l’abstrait,  la vie / la mort, le sens / L’absurde, le masculin / le féminin, la désespérance / L’humour, le « je » / le « il » le « elle » le « nous », Le blanc/ le noir. « Le blanc est l’effacement. L’absence de trace, revenir à l’état d’immaturité, d’inexpérience, d’innocence aussi ».

Elle s’autorise une longue digression sur l’historique et la chorégraphie du tango avant que le lecteur ne comprenne que celle-ci s’inscrit de façon capitale dans le récit et prend une dimension essentielle pour comprendre la psychologie du meneur d’un jeu macabre. Est-ce pour nous offrir un temps de respiration, un moment de pose dans ce récit où, par moments, le lecteur a le sentiment d’étouffer ? « Je suis comme un écrivain qui n’écrit pas. Je vis l’aventure, les mots, les rebondissements, le suspense. Je suis le livre, je suis l’histoire », énonce Horatio.

Dans ce récit, le corps tient une grande place. L’auteure interroge longuement la différence sexuelle. Qu’est-ce qu’être un homme ? Qu’est-ce qu’être une femme ?

Elle varie les tempos passant de longs développements à d’incisives phrases nominales.

Par un jeu d’écriture, elle surprend le lecteur et prend une délectation évidente à le mener en bateau par un savant découpage des chapitres qui introduit plusieurs silhouettes secondaires qui posent question. Qui invente cette savante mise en scène ? Qui s’empare de l’histoire ? Finalement, qui écrit sur les rencontres dangereuses ? La fin nous donnera peut-être une clef.

Comment nommer ce texte ? S’agit-il d’un roman policier au sens traditionnel, alors qu’il n’y a pas de véritable enquête ou plutôt ne sera-t-il pas plus judicieux de parler de roman noir ou de roman à suspense puisque le criminel ne sera jamais découvert ?

En fait, cette enquête policière ne serait-elle pas, pour Paule Brajkovic, qu’un prétexte magistral pour s’interroger sur le moteur de l’écriture, sur ce désir ou ce besoin impérieux pour certaines personnes de laisser trace d’un passage, de transmettre une expérience, de se découvrir et d’approcher au plus près de l’autre dans tout ce réseau pluriel d’une identité complexe ? On peut aisément l’envisager. Une fois encore l’auteure nous met sur la voie. N’a-t-elle pas, avec cette étonnante métaphore de la main qui surgit dressée de la glaise comme un fantôme, forgé la plus brillante définition de ce qu’est le style ? En effet, cette main qui dans notre existence nous mène irrésistiblement à nous approcher d’une feuille blanche, ne nous oblige-t-elle pas de comprendre comment tout auteur qui cherche à trouver sa musique intérieure pour donner une forte authenticité à sa langue ne l’entraîne-t-il pas à s’enfoncer profond dans la terre qui le compose, à faire remonter du plus lointain de lui, ses émotions, ses sentiments, ses doutes, ses luttes face au découragement, au renoncement, ses lectures, ses rencontres insolites, pour nous révéler ce qui le propulse et le guide, le prend par la main, pour l’amener sur le chemin broussailleux de ses mots ? « La mémoire c’est le souvenir de satisfaction qui nous reste, l’acte consommé ».

Pierrette Epsztein

Paule Brajkovic est auteure, et habite à Vitrolles. Elle est aussi dessinatrice et illustre certains de ses ouvrages. Elle est née dans une région qui n’existe plus, l’ex-Yougoslavie. Elle n’a de cesse d’écrire des romans mais aussi de la poésie. Elle a suivi une formation d’animatrice d’ateliers d’écriture et d’art thérapie. Elle anime des ateliers dans des endroits variés, notamment dans des lieux scolaires, des organismes de formation et des bibliothèques, et pratique des lectures publiques. Elle a été reconnue par des petites maisons d’édition qui croient en elle et publient ses ouvrages : La Leçon de Tango (octobre 2020, éd. Au pays Rêvé) ; Nos silences ne nous protégeront pas (2017, éd. Au pays Rêvé) ; Le journal II Compostelle (2014, éd. Au pays Rêvé) ; Une journée à trottoirs (2014, Éd. En Contre Haut) ; Le corps liquide (2011, éd. A l’art plume).